Quand l'écologie renvoie les femmes à la maison
Rédigé par ISABELLE SAPORTA le Samedi 22 Novembre 2008
On ne peut que s'en réjouir, l'écologie commence à faire son chemin
dans nos sociétés d'hyperconsommation, et à imprégner enfin
sensiblement nos modes de vie. Plus question d'user sans vergogne des
ressources de la planète sans se soucier des générations futures ou de
la santé de notre progéniture. La prise de conscience, bien que
tardive, est générale - il n'est qu'à voir le «Grenelle de
l'environnement», projet de loi oecuménique par excellence, qui
rassemble de la droite à la gauche. La cause semble entendue:
l'écologie est l'avenir de l'homme. Mais... pas sûr qu'elle soit celui
de la femme!
Par
un effet pervers, l'écologiquement correct est en effet en train de
renvoyer insidieusement les mères de famille dans leurs foyers, en les
incitant à renouer avec des pratiques que leurs ancêtres furent en leur
temps ravies d'abandonner. Car, pour respecter les commandements de la green attitude
- de l'accouchement à domicile à l'obligation d'allaiter en passant par
le bannissement des lingettes ou le retour aux couches lavables -, la
femme qui élève des enfants se condamne à l'assignation à résidence. Et
malheur à celle qui résiste à la pression: elle est immédiatement
rangée dans le camp de l'indignité. La bonne mère, celle qui se soucie
du bien-être de ses enfants et de l'avenir de la planète, doit se plier
sans moufter aux diktats de la «tyrannie verte».
Purées et onguents maison Pas
facile de passer au travers, tant les discours alarmistes relayés par
les médias poussent en ce sens. Chaque nouveau scandale
hygiéno-alimentaire sonne ainsi un peu plus le glas de la libération de
la femme. En 2003, des traces de semicarbazide, une substance
cancérigène servant d'agent «gonflant» pour les joints en PVC, sont
détectées dans des petits pots pour bébé, suscitant une vague de
panique chez les parents. Aïe, ne devrions-nous pas retourner aux
purées maison de grand-maman? En 2005, de l'ITX (isopropylthioxanthone)
utilisée dans les encres d'impression des emballages est retrouvée dans
du lait maternisé. Des millions de litres de lait sont retirés de la
vente alors même que l'Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa)
indiquait qu'il était «peu probable» que la contamination du lait présente un «risque immédiat»
pour la santé publique... Peu importe, les militantes de l'allaitement
trouvent une nouvelle écoute. Juste avant l'été dernier, ce sont les
biberons qui ont fait l'objet d'une polémique. Les autorités sanitaires
canadiennes se sont émues de la présence de bisphénol A, un
perturbateur endocrinien, dans la composition de bon nombre de biberons
et ont exigé leur retrait du marché. En Europe, l'Efsa s'est voulue
rassurante, arguant que les normes de fabrication actuelles étaient
extrêmement protectrices... Que faire quand 90% des biberons vendus en
France comportent du bisphénolA A défaut d'allaiter, revenir au bon
vieux biberon en verre?
On l'aura compris, au rythme où tombent
les révélations catastrophistes, mieux vaut décrocher un doctorat de
chimie pour nourrir son bébé... ou simplement le changer. Car le danger
guette aujourd'hui les fesses des tout-petits. Dernière polémique en
date? Le Comité pour le développement durable en santé (CDDS), un
collectif de scientifiques, révélait il y a quelques semaines que les
échantillons gratuits des mallettes de naissance étaient truffés de
parabens et autres substances chimiques potentiellement cancérigènes.
Quant aux couches jetables, n'en parlons pas! A écouter Magali,
créatrice de la marque bio Assis dessus, leur composition relève ni
plus ni moins de la bombe à retardement: «On trouve de tout
là-dedans IU y a du polyacrylate de sodium qui forme un gel au contact
du liquide. Du benzol, du furane, classé par le Centre de recherche sur
le cancer comme potentiellement cancérigène. De la dioxine. Greenpeace
a même trouvé du TBT (tributylétain) et d'autres composés organo-étains
dans des couches jetables en 2000.» N'en jetez plus! Dans ces conditions, pas étonnant que pour certaines le retour à mère Nature s'impose telle une évidence.
De
fait, ce discours séduit de plus en plus de femmes. Corinne, 37 ans,
mère de trois enfants, s'est jetée à corps perdu dans la quête d'une
vie 100% bio. Persuadée qu'il était «temps d'agir», elle est
passée aux couches lavables pour sa petite troisième et assure que
cette corvée ne prend pas plus de vingt minutes par semaine. Convertie
par angoisse, Cyrielle, la trentaine, deux fillettes, s'y est mise
également, même si elle reconnaît que «laver les langes est une véritable astreinte».
Quand l'aînée a commencé à crapahuter, elle s'est interrogée sur la
toxicité des produits d entretien, puis s'est décidée a les fabriquer
elle-même avec du savon noir. Tout naturellement, elle s'est aussi
attelée à concocter ses onguents et ses crèmes de change avec de
l'huile d'olive, afin d'éviter les conservateurs contenus dans les
produits de supermarché. Enfin, elle n'a plus acheté que de la
nourriture bio, et, pour contourner les circuits commerciaux
traditionnels, elle s'est inscrite sur la liste d'attente d'une
Association pour le maintien d'une culture paysanne (Amap), qui lui
livre chaque semaine un panier de fruits et légumes. Autant dire que
petits pots industriels et lait en poudre n'ont pas droit de cité chez
elle. A 2 ans, sa petite dernière continue à prendre quotidiennement sa
tétée et n'a jamais été nourrie qu'avec des produits naturels: lait de
sa mère, purées et compotes maison. Et l'aînée de ses filles? «Ah, souffle Cyrielle, un peu gênée, la
première, elle, a été nourrie aux petits pots. Je travaillais à
l'époque et je n'avais vraiment pas le temps défaire tout ça, les
couches lavables, le bio, les compotes, les onguents... Je n'ai pu m'y
mettre que parce que je me suis arrêtée de bosser.»
Laurent Larcher, auteur de la Face cachée de l'écologie
(Le Cerf), voit dans l'essor de cette nouvelle tendance un retour en
force de l'écoféminisme, une doctrine autrefois défendue par Françoise
d'Eaubonne. Cette dernière dressait un parallèle entre la manière dont
l'homme traite la femme et celle dont il abuse de la planète. Bref,
pour se libérer du joug masculin, la femme doit revenir à la nature
d'avant sa corruption par l'homme. «C'est une pensée travaillée par
la nostalgie du matriarcat et d'un temps ancien où les hommes vivaient
en harmonie avec la nature. C'est ce que l'on retrouve dans tous les
mythes fondateurs du bon sauvage. Et c'est ce que ces femmes
recherchent inconsciemment dans ce retour au primitif», souligne
Laurent Larcher. Pour se libérer, la femme devrait donc revenir à l'âge
de la pierre... On se met à faire son pain soi- même, on bat le linge
avec des noix de lavage (à l'efficacité proche de zéro). Certaines
adoptent la moon cup, une «coupelle menstruelle» en silicone
remplaçant les tampons et serviettes hygiéniques. D'autres, telle
Cyrielle, vont même jusqu'à accoucher à la maison avec l'aide d'une
«doula», nom attribué à ces accompagnatrices fashion qui font aujourd'hui fureur alors qu'elles n'ont ni les connaissances ni la pratique des sages-femmes. «C'est grotesque, s'emporte l'écrivaine Eliette Abécassis, pourtant écologiste convaincueCoauteur, avec Caroline Bongrand, du Corset invisible. Manifeste pour une nouvelle femme française, Albin-Michel. . On
se croirait dans la Bible: tu enfanteras dans la douleur! Pourquoi?
Pour être plus proche de l'état de nature? Mais nous ne sommes pas des
animaux!» En septembre dernier, un enfant est mort d'avoir été mis au monde à la maison par une doula.
La carrière comme un handicap Le retour à l'âge de la pierre se paie au prix fort. Le plus souvent en quittant le monde du travail. «La pression sociale, psychologique et écologique est telle que l'on détériore l'implication des femmes au travail», peste Dominique MédaAuteur du Temps des femmes. Pour un nouveau partage des rôles, Flammarion, et, avec Hélène Périvier, du Deuxième Age de l'émancipation: la société, les femmes et l'emploi, Le Seuil. .
La sociologue ne décolère pas depuis qu'elle a lu le rapport de Michèle
Tabarot, députée UMP des Alpes-Maritimes, sur le droit de garde
opposable. La parlementaire s'appuie sur des travaux anglo-saxons pour
reprendre à son compte ridée controversée qu'«il est souhaitable,
pour un bon développement, qu'un nourrisson reçoive des soins
personnels à plein temps pendant au moins les six à douze premiers mois
de sa vie. L'emploi maternel pouvant avoir des effets négatifs sur le
développement cognitif de l'enfant, notamment lorsqu'il n'a pas atteint
l'âge de 2 ou 3 ans». A force de culpabilisation, les mères
finissent par intérioriser le fait que leur carrière est un handicap
pour l'enfant, mais aussi que l'enfant est un handicap dans le
déroulement de leur carrière. Et elles n'ont pas forcément tort
puisque, à en croire Dominique Méda, si le taux d'emploi des hommes et
des femmes sans enfant est le même, l'écart se creuse de 20 points dès
qu'une femme devient mère! Que faire, alors? Continuer à travailler et
rejoindre le camp des «mauvaises mères», ou quitter le monde de
l'entreprise et se remettre de plein gré dans une situation de
dépendance financière vis-à-vis du conjoint? Elles sont nombreuses à
opter pour cette seconde voie.
«Je voulais être à la maison, j'ai préféré lâcher mon travail alors que je venais d'obtenir le job de ma vie», s'anime Abigail, 32 ans, ancienne psychologue clinicienne devenue une mère au foyer comblée. «Mes
amies m'ont dit que j'étais folle, qu'étant donné le contexte
économique je ne pourrais jamais revenir dans le monde du travail. Mais
on ne peut pas être heureuse en s'accomplissant uniquement dans son
boulot», sourit la jeune femme. Pour elle, ce retour à la maison répondait à une volonté de changer de vie. «Mais attention, pour la plupart des jeunes femmes, le fait de s'arrêter n'est pas un choix: c'est un arbitrage, corrige Dominique Méda. Les
jeunes cadres bien rémunérées qui veulent retourner au foyer ne sont
pas la majorité. Bien souvent, celles qui prennent cette décision sont
les plus précaires, celles dont le salaire une fois amputé des frais de
garde et de transport ne fait pas le poids face à l'allocation.» Au temps pour la superwoman qui retourne à la maison vivre pleinement son «féminisme écolo-biologique».
«Dans
une récente étude, on a prouvé que, suri 000femmesquis'étaientarrêtées
de travailler, la moitié avait des horaires atypiques», regrette
Dominique Méda. Plus les revenus des mères sont modestes, plus elles
gardent elles-mêmes leurs enfants. Elisabeth Badinter est d'ailleurs
persuadée que «ce discours écologique n'aurait jamais rencontré un tel succès si les femmes n'avaient pas été déçues par le monde du travail».
Elles occupent toujours en masse les emplois subalternes piètrement
rémunérés et, dans ce contexte de crise économique et de précarisation
extrême, sont les premières touchées. «D'où une terrible lassitude
des jeunes femmes qui se sont peu à peu désengagées du monde
professionnel pour surinvestir leur rôle de mère respectueuse de la
nature et de l'environnement. Persuadées qu'elles ne trouveront pas
d'épanouissement dans le monde du travail, ces femmes considèrent leur
enfant comme leur chef-d'oeuvre ultime», s'attriste la philosophe.
Combattantes «vertes» Et,
pour ne pas vivre ce retour à la maison comme une régression, tout se
passe comme si elles devaient le sublimer. Elles ne redeviennent pas de
«simples» mères au foyer, elles sont aussi des combattantes «vertes»
oeuvrant pour la survie de la planète, et vivant en parfaite harmonie
avec leur féminité. «Ces femmes se réapproprient leurs corps et revendiquent leur maternité,
affirme Flore Marquis-Diers, la présidente de la très réactionnaire
Lèche League, association qui prône l'allaitement maternel. Elles
veulent avoir des enfants pleinement. Fini le temps où l'on se
contentait de les mettre au monde et de s'en occuper quelques semaines,
puis basta. Elles ont envie de materner.» La morale écologique
n'est d'ailleurs pas étrangère au retour en force de l'allaitement.
Bien que la France reste un mauvais élève en termes de durée comme de
population touchée, la proportion de femmes qui allaitent s'est
considérablement accrue ces dix dernières années. «On est passé de 50% en 2000 à 64% aujourd'hui, et on espère atteindre les 70% en 2010!»
se réjouit Flore Marquis-Diers. Une évolution légitimée par les plus
hautes instances supranationales: en mai 2001, l'assemblée générale de
l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandait pour le bien-
être de l'enfant «un allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois de la vie»,
et soulignait que deux années étaient préférables. Le Programme
national nutrition santé (PNNS) adoubé par la Société française de
pédiatrie s'est fait l'écho de nombreuses études, pourtant sujettes à
caution, sur l'éveil psychologique et intellectuel des enfants nourris
au sein. Et, quand cette vulgate scientifique est diffusée et amplifiée
sur des forums Internet, elle devient proprement terrifiante. Sur le
blog Maternage.free, on est catégorique: «Les conséquences majeures
du non-maternage se retrouvent tout au long de la vie avec des
relations parents-enfants difficiles, une forte croissance du recours
au soutien psychologique, l'augmentation des dépressions, des suicides
et des comportements toxicomaniaques des adolescents et, plus
généralement, l'accroissement de la violence de la société, dont les
racines sont à chercher dans un développement bancal de la capacité
d'aimer de nos enfants.» Bigre! Les femmes qui osent mettre leur
bébé au biberon sacrifient donc en un seul geste la santé de leur
enfant et l'équilibre de la société dans son ensemble...
Cela prêterait à sourire si, dans les maternités, l'allaitement n'était devenu la doxa.
Lily, profession libérale, la trentaine, bien décidée à faire l'impasse
pour recommencer à travailler au plus vite, s'est entendu répondre par
la sage-femme: «Réfléchissez bien; quand on fait un enfant, c'est
pour la vie. Vous verrez, un jour vous reviendrez de vos ambitions et
de votre carriérisme, mais Usera trop tard.» Même son de cloche
pour Sophie, qui a accouché dans une grande maternité parisienne et a
très vite renoncé à allaiter. L'infirmière lui a assené: «Mais, madame, vous n'allez pas abandonner si facilement!Le lait industriel, c'est bon pour les petits veaux!» Difficile de résister à un discours aussi nuancé...
«Allaiter, c'est un acte fondamental, reconnaît Eliette Abécassis. Mais
c'est aussi une aliénation totale qui, tout comme le dévouement
exclusif à l'enfant, n'est absolument pas adaptée au monde moderne.»
Pourtant, comment ne pas constater que les filles des
soixante-huitardes, des jeunes femmes élevées au lait en poudre et qui
jouaient à la poupée avec des biberons en plastique reviennent
aujourd'hui massivement à l'allaitement et au maternage? «Elles n'ont pas envie du modèle qu'elles ont subi enfant», assène Flore Marquis-Diers, la pasionaria de la Lèche League, qui n'a pas de mots assez durs pour conspuer «ce féminisme non différencialiste d'une intelligentsia qui n'a jamais accepté de vivre sa féminité en tant que mère». Elles veulent «tuer leur mère», en somme, au sens psychanalytique, constate Elisabeth Badinter. «Nous
rejetions le modèle «bobonne» à la maison. Nos filles qui ont besoin,
elles aussi, de prendre leurs distances face au modèle maternel nous
font à leur tour des reproches. «Tu as voulu ton indépendance, ta
carrière, mais c'est moi qui ai trinqué, tu ne m'as pas assez donné. Tu
m'as sacrifiée sur l'autel de ton indépendance. Je ne ferai pas avec
mes enfants ce que tu as fait avec moi»», constate la philosophe.
Voilà comment les bobos filles de soixante-huitardes, en réaction contre leurs mères, les superwomen
déçues et les laissées-pour-compte de l'économie ultralibérale se
retrouvent dans le cocon familial 100% naturel. Sans s'interroger un
seul instant sur le fait que ce sont elles, les femmes, et elles
seules, qui portent ce militantisme écologiquement correct, ce «retour
aux sources». Car, depuis l'âge des cavernes, il est au moins une chose
qui n'a guère changé: même si elles ont acquis le droit de chasser le
bison en entreprise, ce sont toujours les femmes qui lavent les peaux
de bête et font le ménage dans la grotte! Elles accomplissent toujours
en moyenne 65% du travail domestiqueSource: Insee. ,
et si pendant les trente dernières années ce chiffre abaissé, ce n'est
qu'en très petite partie lié à la participation accrue des hommes, et
essentiellement dû à l'évolution des progrès techniques dans nos modes
de vie: lave-linge, couches jetables, plats surgelés, biberons... Bref,
toutes ces petites choses que la morale écologique condamne. Tant que
les tâches ménagères ne seront pas mieux réparties, le féminisme
continuera à se dissoudre dans l'écologie - I.S.
MOI JE VOUS LE DIS : J'EN AI MARRE D'ÊTRE UNE APPROXIMATION !!! j'en ai marre que les journaliste se contente de généralités pour plaire au plus grand nombre et de faire leur boulot à moitié : le travail d'une doula n'a jamais été de mettre un bébé au monde mais seulement d'accompagner ses parents à devenir des parents ( et ça peut etre parce que notre societé a oublié de le faire !!) je suis fiere d'etre à la maison et non je ne sens pas alienee de nourir encore ma fille a deux ans !!! AU MOINS SI J'AI DES CHAINES CE SONT CELLES DE L'AMOUR ET NON PAS CELLES QUI ME LIENT ET ME MAINTIENNENT DANS CETTE SOCIETE DU PARAITRE ET DE LA CONSOMATION §§§
JE REFUSE DE CROIRE OU MEME DE PENSER QU'AGIR POUR NOUS ET NOTRE PLANETE C'EST REFUSER LE FEMINISME: pour moi etre feministe c'est permettre à chaque femme de trouver la place qu'elle se choisi et non pas de partager à cinquante cinquante des taches menageres que de toute facon il faut effectuer meme pour soi !!! |